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lundi 3 juin 2013

Rien ne s'oppose à la nuit - Delphine de Vigan

Dans ce livre, Delphine de Vigan nous parle de sa mère, Lucile. Grâce aux témoignages des membres de sa famille, elle peut raconter l'enfance de sa mère : celle-ci est issue d'une famille nombreuse qui a connu plusieurs drames. Puis Lucile a grandi, s'est mariée et a eu deux filles : Delphine puis Manon. Une vie qui semble ordinaire mais Lucile était malade, on nomme les personnes comme elle "bipolaires" ou "maniaco-dépressives". Lucile l'était à un degré élevé. Delphine nous raconte l'histoire de sa mère, qui est aussi la sienne...

Autant le dire tout de suite : j'ai adoré ce livre. Ecrire sur sa mère est un exercice difficile, de nombreux écrivains l'ont fait avant Delphine de Vigan (je pense en particulier au magnifique roman de Romain Gary, La promesse de l'aube, ou à Albert Cohen et Le Livre de ma mère). Qu'allait apporter cette jeune auteure ? Ne risquait-elle pas de tomber dans certains clichés ? N'était-ce pas délicat et impudique de parler de la maladie psychiatrique de sa mère ? La plume de Delphine de Vigan évite tous ces écueils : je n'ai trouvé aucun cliché, de plus, elle raconte l'histoire de sa mère avec beaucoup de pudeur et de respect. On sent à la lecture de son récit tout l'amour qu'elle lui porte, elle ne juge pas sa mère, elle raconte des faits et parfois explique qu'elle les a compris bien plus tard (j'ai été très touchée par exemple à la fin du roman quand tout le monde se retrouve et que Lucile reste en haut dans la chambre, Delphine, sur le moment, est agacée, elle le fait savoir à sa mère, redescend et ce n'est qu'après qu'elle comprend l'attitude de sa mère : "Longtemps cette idée m'a obsédée : je n'ai pas été au bon endroit". Les remords sont exprimés brièvement, sobrement mais avec beaucoup de force). A plusieurs reprises, l'auteure fait une pause dans sa narration pour nous livrer ses sentiments, ses doutes au moment de l'écriture, on comprend à ce moment-là toute la difficulté qu'elle a dû éprouver mais on comprend aussi pourquoi elle devait le faire : "Je perçois chaque jour qui passe combien il m'est difficile d'écrire ma mère, de la cerner par les mots, combien sa voix me manque."
C'est donc un récit touchant qui m'a beaucoup émue, c'est un gros coup de cœur pour moi, merci Anne de m'avoir offert ce livre !

J'ai envie cette fois-ci de citer non pas un mais deux extraits de ce roman.
Voici tout d'abord les premières lignes :
"Ma mère était bleue, d'un bleu pâle mêlé de cendres, les mains étrangement plus foncées que le visage, lorsque je l'ai trouvée chez elle, ce matin de janvier. Les mains comme tâchées d'encre, au pli des phalanges.
Ma mère était morte depuis plusieurs jours.
J'ignore combien de secondes voire de minutes il me fallut pour le comprendre, malgré l'évidence de la situation (ma mère était allongée sur son lit et ne répondait à aucune sollicitation), un temps très long, maladroit et fébrile, jusqu'au cri qui est sorti de mes poumons, comme après plusieurs minutes d'apnée. Encore aujourd'hui, plus de deux ans après, cela reste pour moi un mystère, par quel mécanisme mon cerveau a-t-il pu mettre tant de temps à accepter l'information qui gisait devant lui ? Ce n'était pas la seule interrogation que sa mort m'a laissée."

Voici maintenant un second passage situé quelques pages plus loin dans lequel l'auteur parle de son écriture :
"Je ne sais plus quand est venue l'idée d'écrire sur ma mère, autour d'elle, ou à partir d'elle, je sais combien j'ai refusé cette idée, je l'ai tenue à distance, le plus longtemps possible, dressant la liste des innombrables auteurs qui avaient écrit sur la leur, des plus anciens aux plus récents, histoire de me prouver combien le terrain était miné et le sujet galvaudé, j'ai chassé les phrases qui me venaient au petit matin ou au détour d'un souvenir, autant de débuts de romans sous toutes les formes possibles dont je ne voulais pas entendre le premier mot, j'ai établi la liste des obstacles qui ne manqueraient pas de se présenter à moi et les risques non mesurables que j'encourais à entreprendre un tel chantier.
Ma mère constituait un champ trop vaste, trop désespéré : trop casse-gueule en résumé."


5 commentaires:

  1. Je fais partie des rares que ce livre a vraiment agacés.

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    1. J'ai lu quelques commentaires allant dans ce sens.

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  2. Pas un coup de coeur, il m'a même plutôt agacé, comme Valérie.

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    1. Je comprends ce qui peut agacer certains lecteurs dans ce roman mais je l'ai trouvé très beau.

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