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samedi 30 novembre 2013

Tout s'est bien passé - Emmanuèle Bernheim



Tout s’est bien passé est un document écrit par Emmanuèle Bernheim, romancière et scénariste.
Suite à un AVC, son père, comme bien souvent dans ces cas-là, est fortement diminué. Lui qui était un homme dynamique et sûr de lui se retrouve dans cet état qu’il n’accepte pas. Il demande donc à sa fille, Emmanuelle, de l’aider à mourir. En France, l’euthanasie est interdite mais l’auteure fait les démarches nécessaires en Suisse auprès d’une association spécialisée dans ce que l’on zpeut nommer « le droit à mourir dans la dignité ». Le titre, Tout s’est bien passé, est la phrase prononcée par la personne qui a accompagné M.Bernheim jusqu’au terme son suicide assisté.

Le sujet central, l’euthanasie, touche forcément le lecteur, qu’il soit pour ou contre. Ce n’est pas un sujet neutre, cette lecture ne peut donc pas être légère. Emmanuelle Bernheim décrit sur les premières pages l’annonce de l’AVC et la découverte de son père à l’hôpital. Ce sont des événements que j’ai connus pour une personne qui m’était très chère, cette lecture m’a été alors très pénible. L’auteure décrit avec une grande précision l’état dans lequel on se trouve face à une telle annonce mais aussi l’état de la personne. Mes sentiments face à cette lecture durant les premières pages étaient très ambigües : j’avais envie d’y mettre un terme tant j’étais ébranlée, mais dans le même temps, je ne parvenais pas à lâcher le livre car je découvrais une autre expérience que la mienne face à un événement que j’avais connu. Beaucoup d’interrogations me sont alors venues à l’esprit sur mon rôle de jurée d’un prix littéraire : comment noter un tel livre ? Ce n’est absolument pas le genre d’œuvre  que je lis, au contraire, c’est plutôt un genre que je fuis : je ne lis pas pour me mettre mal à l’aise. Mais paradoxalement, je le trouve réussi car il m’a happée.  Une lecture est forcément subjective mais jusqu’à quel point dois-je faire intervenir ma subjectivité dans  ma notation pour ce prix littéraire ? Dois-je retenir le malaise et les idées  noires qu’il a fait resurgir en moi ou alors son style et sa capacité à faire naître des émotions (quelle qu’elles soient) chez son lecteur ? Après de nombreuses hésitations, j’ai opté pour la deuxième solution en mettant de côté ce qui m’a été pénible car, finalement, si le début m’a mise mal à l’aise, c’est justement parce qu’il est réussi : s’il avait été médiocre, je ne me serais sans doute pas sentie aussi impliquée personnellement dans cette lecture.
D’une manière plus générale et moins centrée sur mon vécu, c’est un document qui est apte à faire réfléchir le lecteur sur l’euthanasie, on ressort de cette lecture plein d’interrogations. J’ai beaucoup aimé le fait qu’Emmanuelle Bernheim soit restée centrée sur son histoire et n’ait pas milité ouvertement pour l’euthanasie. Elle laisse le lecteur se faire ses propres réflexions et je n’ai pas eu le sentiment qu’elle cherchait à l’influencer dans un sens ou dans l’autre. J’ai perçu ce livre comme un récit de vie et de mort mais pas comme un ouvrage engagé.

Pour conclure, Tout s’est bien passé m’a bouleversée, il fait partie des livres que je n’oublierai pas et dont le titre aura, désormais, une résonnance particulière en moi.
 

 

lundi 25 novembre 2013

Fille de la campagne - Edna O'Brian


Dans Fille de la campagne, l’Irlandaise Edna O’Brian raconte ses mémoires. Née en 1930 dans la campagne irlandaise, elle est devenue une auteure majeure de la littérature anglophone.
La vie de l’auteure racontée dans ce document est prenante. On peut se plaire à découvrir non seulement ce qu’a été son existence mais aussi ce qu’était l’Irlande du début du XXe siècle ainsi que la condition féminine de cette époque. J’ai pu, grâce à cette lecture, découvrir un pays, une époque et une personne dont j’ignorais beaucoup de choses.

Malgré ces qualités indéniables, j’ai eu beaucoup de mal à me plonger dans ce document. Certains passages m’ont paru interminables. Les chapitres sont brefs, ils ne s’étalent que sur dix pages chacun en moyenne, pourtant j’ai cru à de nombreuses reprises que je ne parviendrai jamais à terminer le chapitre en cours.
De plus, le style m’a paru haché, les phrases n’était pas fluides à la lecture. Certaines formulations m’ont semblées étranges et peu agréables. Je ne remets pas absolument pas en question  l’écriture d’Edna O’Brian, mais je suppose que le problème se trouve dans la traduction.

Finalement, je n’ai lu que quelques pages de ce document tant je me suis ennuyée. Il m’a été impossible de terminer ce livre.
Malgré tout, il ne s’agit que d’une rencontre qui ne s’est pas faite entre lui et moi car je pense que de nombreux lecteurs y trouveraient un grand intérêt.
Voici un extrait situé au tout début du livre :
"Il me semble avoir vu les choses avant de les avoir vraiment vues ; elles ont toujours été là, comme les mots, je crois, ont toujours été là, filant à travers nous. Je crois, par exemple, avoir reconnu les murs bleus de la chambre bleue, les murs suintant tranquillement de l'humidité sans fin et pas de feu, alors même qu'il y avait un âtre, ridiculement petit en comparaison de la taille de la pièce, où le couvercle d'une boîte de chocolats avait été placé en guise de décoration. Et Notre-Dame ? Elle n'était pas la créature cireuse des peintures que je devais voir sur différents murs, mais une Notre-Dame de Limerick bien en chair, avec une foule d'enfants à ses chevilles, comme si elle venait de leur donner naissance. Son accouchement était bien plus heureux que celui de ma mère, qui en parlait encore des années après : le travail, la longueur du travail, la nuit de décembre et la gelée noire qui était habituelle à cette époque de l'année, la sage-femme qui tardait et le raffut, qui se révéla vain, quand on lui dit que j'étais pied-bot parce que je n'étais pas venue au monde comme il faut."
 
 

samedi 23 novembre 2013

Arrête, arrête - Serge Bramly


Arrête arrête : le titre m’a immédiatement interpellée. Sans trop savoir quel était le sujet du livre, j’étais attirée par lui, comme par esprit de contradiction, on me demande d’arrêter, alors je fonce !
En réalité, le titre est celui d’une chanson de Patricia Carli chantée par Anne-Gisèle à Vincent dans le roman.
Vincent purge sa peine de prison chez lui avec un bracelet électronique. Sans que l’on sache pourquoi (ni nous, lecteurs, ni le frère de Vincent et encore moins la police), il casse son bracelet et part en cavale. Celle-ci l’amènera dans une boîte d’échangisme où il fera une belle rencontre, LA rencontre.

Ce roman est très bref, de ce fait, le style est particulier : les phrases sont courtes, l’écriture est rapide, peu de descriptions mais des sortes de « flash ». Malgré le titre, on ne peut s’arrêter de lire ce roman car la plume de Serge Bramly nous entraîne jusqu’à la fin.
L’auteur ne nous dit pas immédiatement ce qu’a fait Vincent pour être condamné, de ce fait, j’ai eu du mal à apprécier ce personnage. De plus, rien n’est fait pour qu’on l’aime, le narrateur est neutre, il ne force pas nos sentiments envers lui. Pourtant, c’est lui qui nous suivons tout au long de l’histoire. Ainsi, Serge Bramly réussit le tour de force de nous mettre à la place de son personnage auquel on ne s’identifie pas ! Nous sommes plongés, comme lui, dans un monde peu avenant.  Une partie de l’intrigue se déroule dans une boîte d’échangisme, les descriptions n’ont fait que confirmer l’atmosphère sombre, glauque, malsaine de mes représentations : « un entremêlement confus de membres luisants évoquait les tentacules d’une pieuvre. L’activité déployée sécrétait des moiteurs rances » écrit l’auteur pour décrire l’endroit de la boite appelé le « sauna ». Pourtant, c’est dans cette atmosphère qu’apparaît Anne-Gisèle (Vincent croit l'avoir déjà croisée sur les Champs Elysées), une lumière dans les ténèbres, sa peau laiteuse envoute le fugitif et contredit ses plans. De plus, comme pour contrebalancer la noirceur de son roman et peut-être  aussi pour montrer au lecteur que la poésie est partout, l’auteur parsème sa narration de vers poétiques : Verlaine, Beaudelaire, Lamartine et Vigny sont cités. Une femme de la boite échangiste fait ressurgir ce vers dans l’esprit de Vincent : « L’elixir de ta bouche où l’amour se pavane » (« Sed non satiatia », Beaudelaire, Les Fleurs du Mal) ; Serge Bramly a-t-il voulu poursuivre le même but que le poète en transformant la boue en or ?
A plusieurs reprises je me suis sentie un peu mal à l’aise dans cet univers et le fait de ne pas m’identifier une seconde au personnage principal m’a par moment lassée. Mais le roman est très court et on arrive très vite à la fin… Et quelle fin ! Il est absolument impossible de la révéler sous peine de gâcher la lecture mais, selon moi, c’est elle qui donne au  livre tout son intérêt. Arrête arrête est comme une nouvelle dont la chute apporte le sens à l’histoire. Finalement, malgré une lecture par moment peu agréable, j’ai beaucoup aimé ce roman grâce à ses dernières lignes : toute la sensibilité qui m’avait manqué est condensée à cet endroit, j’ai été touchée par les derniers mots. Après avoir refermé le livre, je suis restée un moment rêveuse …


Voici un extrait du roman, il s'agit de la première page :

"Les policiers ne comprenaient pas. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Vincent avait pratiquement fini de purger sa peine.
Je ne comprenais pas non plus.
Deux inspecteurs. En blouson, plus jeunes que moi : la trentaine. L'un, le cheveu long, gras. L'autre, le visage flou, rien de mémorable. Leur expression disait : marre de perdre notre temps.
Mes réponses ne leur plaisaient pas. Elle trahissaient moins mon ignorance, semblait-il, qu'une volonté de faire l'idiot, c'est-à-dire le malin.
Vincent avait disparu, après avoir coupé son bracelet électronique. Assigné à résidence, à Nantes ? J'ignorais même qu'on lui avait accordé la conditionnelle."


Cette lecture a été effectué dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire de Priceminister. Je remercie donc vivement Priceminister et les éditions NiL pour cette belle découverte.